Des enfants se sont cachés
dans les tubes de béton gris clair.
Un escadron armé les mitraille,
produisant de sourdes déflagrations,
mais ces derniers ressortent indemnes
et ripostent avec des pierres.
Ici les cailloux l'emportent
sur les armes
et l'escadron part
se camoufler à son tour
derrière un dédale d'équipements d'une aire de jeux...
Un homme fume une cigarette
et surveille de sa fenêtre
le jeu des enfants.
Assez loin, en face,
cinq résidences accolées
forment une enceinte vertigineuse
en forme de grand "U".
Une large bordure de pelouse
délimite l'aire de jeu,
et vient s'échouer
en pente croissante
au pied du groupe d'immeubles,
formant un vague renflement
à la lisière des murs.
Il y a plus d’une heure déjà,
que l’homme reste ainsi
à regarder les enfants
défouler leurs pulsions infantiles.
D'ici, la bande de pelouse
semble un épais tapis vert douillet,
où l'on pourrait tomber,
rouler, se jeter, rebondir,
sans craindre de se faire mal.
De jeunes intrépides
s'amusent à y sauter de leur balcon.
C'est à celui qui saute
de l'étage le plus haut.
L’homme les observe.
Il n’éprouve pas la moindre angoisse pour eux.
Autrefois, avec quelques camarades,
il s’amusait lui aussi
à escalader les murs
des immeubles voisins
et à sauter des balcons.
L’un d’eux s’était fracturé
les deux jambes,
mais le jeu n'avait jamais cessé
pour autant...
Accoudé au rebord de sa fenêtre,
il laisse libre cours
à ses souvenirs,
et se penche,
songeur, dans le vide,
se sent gagné par le vertige...
Encore un peu,
et il sauterait, volontiers,
de sa fenêtre, avec eux…
Il n’en fera rien,
il le sait…
Il les observe,
et cela lui suffit, à présent...
Christophe Gonnet