TAUREAU

- Qu'est-ce que tu as taureau ?
Tu as l'air solitaire
On retourne là haut...
Tu as vu ces lumières ?


Regarde ces génisses
De fort belles ! Oh la vache !
Allez viens, on y va !
- Non merci laissez moi !

- Qu'a-t-il donc, peuchère ?

- Allons Tu ne sais pas ?
C'était l'année dernière
Depuis, il est comme ça...

Il vivait très heureux
Sur son petit coteau
Ses vaches et lui avaient
De beaux projets de veaux


Nous étions en juillet
Au plein cœur de l'été
Beaucoup de vacanciers

Affluaient cette année


Un jour un fichu cirque
Planta son chapiteau
Une drôle de clique
Dans un petit enclos


On n'avait vu ici
Pareils animaux
Un lama, deux aras
Un fort bossu chameau


Et le pire de tous
Un cornu fier et beau
Des muscles à pâlir
Près de six cents kilos


Qui chantait dans sa barbe

Un air de fandango

Les vaches l'entendirent
Sensibles au renouveau

 

En voilà des artistes !
Et de beaux numéros !

L'herbe était comme on dit
Plus verte vers l'enclos


Une première alla
Cheminant l'air de rien
Une autre la suivit

Puis soudain, tout le train

Taureau paissait tranquille
Quand levant le museau

Il vit descendre en file
Tout son petit troupeau

Une seule restait
Grisette la fidèle
Qui geignait aigrelette :
- Quel désolant tableau!

- Diable que fais tu là?
Tu as pitié de moi ?
Tu n'es guère mieux qu'elles
Rejoins-les ! Allez va !


Et s'en allant, rebours

On le vit tout le jour

S'éreinter au labour

Pestant plus qu'à son tour

 

Le cirque reparti
Ses belles lui revinrent
Ayant pour lui, dit-on

De douces attentions

Mais le taureau traquait

Au fond de leur regard

Et malgré leurs égards

Comme un vilain défaut

 

Une vive moutarde

Lui montait aux naseaux

- Bah quelle mouche me pique ?

Pourquoi tant de sang chaud ?

 

Je ne suis pas jaloux

De ces drôles d'oiseaux

Qu'à bien examiner

Je ne trouve pas beaux

 

Qu'est-ce alors qui me cuit ?

Au fond je suis déçu

Que ces bestiaux de foire

Si communs, leur aient plu

 

Mais ressassant ces mots

Il sut que c'était faux

- Eussé-je préféré

Les avoir trouvés beaux ?

 

Cet aveu dans son cœur
Planta comme un couteau 

- Je ne suis, j'en ai peur

Fait pour vivre en troupeau...


Quand revint le printemps

La saison des amours

Le bouvier sans détours

Exhorta son taureau :


- Allons, mon bon ami

Fais-nous de jolis veaux !

Mais le voyant s'enfuir
Plein de hargne et colère

 

Jugea : je suis choux blanc

Si je reste à rien faire

Je n'aurai plus de veaux

Que dira la crémière ?

 

Et jugeant qu'à le vendre

Il n'eût pu faire affaire

L'envoya au sommet
Quant aux pauvres laitières

 

Leur trouva bon marché

Un vaillant boviné

Qui à ses sommations

Ne se fit pas prier

On dit que la Grisette
Entre toutes fidèle
Sitôt que le vacher
Daigne tourner le dos

 

Le rejoint au galop
Là haut sur les plateaux

Mais que notre taureau

L'éconduit sans un mot

Qu'à ses seyants atours

Il reste aveugle et sot
L'amour n'est pas toujours

Hélas, heureux et beau...

 

S'il est redescendu

Parmi nous aujourd'hui
Ce n'est que pour conclure
Le poème que voici...

 

Et le voilà fini
Et je l'en remercie 
Et ainsi va la vie

Bonne nuit mes amis !

 

 

 

Christophe Gonnet

Réalisée en septembre 2019