QUELQUE CHOSE NE TOURNAIT PLUS ROND

Quelque chose ne tournait plus rond

Les bus ne marquaient plus l'arrêt

Lorsqu'un piéton s'en approchait

Le chauffeur souvent l'ignorait

Ou bien faisait non de la tête

Prenant un petit air navré

Puis aussitôt accélérait

Lors le piéton vociférait

 

Parfois l'un d'eux soudain courait

Et le suivait jusqu'à l'arrêt

Et alors des mots s'ensuivaient

Plus souvent il se résorbait

Petit dans la lunette arrière

Et la vie ainsi continuait...

 

En ce jour, la route était loin

Aucun nuage à l'horizon

Un père et son petit bambin

Dans un parc jouaient au ballon

Deux hommes les lorgnaient soucieux

On eu dit qu'ils avaient peur d'eux

Tout à coup l'un d'eux s'avança

Et prit le ballon dans ses bras :

 

- Pardon il faut cesser le jeu !

- Cesser le jeu ? Est-ce sérieux ?

- C'est écrit dans le règlement !

  Pas de ballon sur le gazon !

 

- Ah bon ? Vraiment ? Dit le papa

  Il doit y avoir une raison

Mais l'enfant ne comprenait pas :

- Ça gêne qui ? Ça gêne quoi ?

 

- Beaucoup de gens n'aiment plus ça

- Mais voyez, nulle âme à la ronde!

  Je ne vois que papa et moi

  Avouez,vous vous moquez du monde!

  Mais alors à quoi a-t-on droit ?

Le premier ne le savait pas

Le second agita ses bras :

- Manger ou dormir, je crois

- Et jouer aux billes?

  À saute moutons?

  Ou bien aux quilles, le peut-on ?

Les deux hommes à l'unisson :

- Nous sommes navrés mon garçon !

 

Les pauvres avaient un air honteux

Le père eut soudain pitié d'eux

Il prit son enfant par le bras :

- Ils n'y peuvent rien, on s'en va!

- Je veux parler au responsable !

Voyant qu'il ne plaisantait pas

Bien que ce fut déraisonnable

L'un d'eux leur indiqua l'endroit

 

Un homme assis attendait là

À leur approche il se leva

- Alors c'est vous?Lui dit l'enfant

  Vous devriez être content

  J'aimais tant venir ici jouer

  Le ciel avait un air de fête

  Et maintenant je vais pleurer

  Je n'viendrai plus à la Villette!

 

- C'est pas faux ! S'écria le père

  Quand ailleurs

  sévissent les guerres

  Vous en prendre à un jeu d'enfant

  N'y a-t-il plus urgent sur terre?

- Que voulez-vous ?

  leur dit l'agent

  J'applique notre règlement

- Toujours ? Lui demanda l'enfant

  Même s'il est absurde et méchant?

 

L'agent se grattait le menton

- Je suis désolé mon garçon

  Sinon il y a un bac à sable...

- Non, je veux voir responsable !

 

Un autre assesseur les reçut

Puis le maire, puis le ministère

Tous invoquant, un peu confus

Les raisons de plus hautes sphères

Et vu que pour être entendu

Par n'importe qui sur la terre

Il faut en tout, c'est bien connu

Pas plus de 6 intermédiaires

 

Ils arrivèrent en très haut lieu

Dans cette ultime et calme zone

Trônant au beau milieu des cieux

Le bureau de Dieu en personne

 

- Nous y voilà, dit le garçon

  Dans un instant tout sera clair

  Ce règlement et ses raisons

 N'auront pour nous plus de mystère

- Espérons, répondit le père

Une voix soudain toussota :

- Qu'est-ce donc que ce brouhaha ?

Un petit rat sortit de terre

 

- Comment est-ce vous Dieu le père?

- Et pourquoi pas ? Lui dit le rat

  Que voulez-vous ? 

  Que puis-je faire ?

- Nous jouions mon papa et moi !

- Au ballon ! le coupa le rat

- Est-ce défendu par la loi ?

- C'est compliqué, attendez là !

Mais comme il ne revenait pas...

 

À un paon qui passait derrière

- Savez-vous quand Dieu reviendra ?

- Partez, il vous rappellera

  Surtout éteignez la lumière !

 

À la Villette, aucun ballon

Mais une foule sur le gazon

Gisait et mangeait maintenant

Et tout le monde était content

 

 

Christophe Gonnet