Monsieur Miller est inspecteur
Inspecter, c’est son métier
Dire tout c’qui cloche
Et tout c’qu’est moche
Même quand le tableau est joli
En cherchant bien on peut trouver
Faut bien légitimer son rôle
Alors il cherche
Il fouine, il fouille
Et finit toujours par trouver
C’est son métier
Alors il dit : "Y a ça qui cloche !
Ceci n’va pas,C’est pas comme ça !"
Et il prend note
Et tout le monde est désolé
Sauf lui, et il ne s’en cache pas
Tout le monde grogne
Et lui, il sourit
Et c’est fini
Tout est là
Il a tout dit
Et il s’en va
Et tous les gens
Sont bien contents
Quand il s’en va...
Personne ne l’aime
Monsieur Miller...
D’ailleurs pour ça, il leur rend bien
De pauvres cloches, pense-t-il tout bas
Alors il boit seul dans son coin
Et pense à c’qu’il va dire demain
De beaux reproches
Et des pas tendres
Et qu’ils ne perdent rien pour attendre
Alors il rit et boit tout seul
Jusqu’à ce qu’il ne soit plus seul
Et en passant
Même au garçon
Il dit que son vin n’est pas bon
Comme ça, pour rien
Pour le plaisir
Mais le garçon ne répond pas
Il le connaît
Monsieur Miller...
Il le laisse dire
Pourvu qu’il boive
Il pense tout bas :
"Qu’il aille au diable!"
Mais il le sert
Et puis voilà
Il est content quand il s’en va
Comme tout le monde
Personne ne l’aime
Monsieur Miller...
D’ailleurs sa ronde terminée
Monsieur Miller rentre chez lui
Tout seul comme il en est sorti
Et le voilà bien embêté
Il n’a plus rien à inspecter
À part son modique intérieur
Et puis ses p’tits trophées
Et puis ses porte-malheur
Et son portrait sur la ch’minée...
Alors seul dans ses p’tits souliers
Sa tête se remet à chercher
Les trucs qui clochent
Et tout c’qu’est moche
Il voudrait bien l’en empêcher
Mais impossible d’arrêter
Cette infaillible mécanique
Alors il recherche
Il refouine, il refouille
Et finit encore par trouver
C’est son métier
Dans le tourbillon des souvenirs
Tout resurgit en catastrophe
Alors tout seul dans sa demeure
Monsieur Miller
Pleure et repleure...
Personne ne l’aime...
Et bien, tant mieux !
Christophe Gonnet