Heureux, toi l’oiseau
Sublime déserteur
Toi qui guettes d’en haut
Le supplice d’en bas
Jubilant à part toi
De n’être pas des leurs
De n’être pas des nôtres...
Nous recevons parfois
Ces doux accords majeurs
Tels des rires narquois
Que tu jettes, moqueur...
Quels jolis cris de joie
Que l’écho de ta voix !
De ta voix, voix, voix...
Vois à quel esclavage
Nous, hommes de bas étage
Sommes prêts à souscrire
Pour de piètres plaisirs
Toi, qui a su sans heurt
Conquérir notre coeur
Par ta liberté même...
Toi qui pilles et mendies
Sans la moindre vergogne
Toi même que l’on supplie
D’accepter notre aumône
Et que nos mains effleurent
Avec autant d’honneur
Le beau monde à l’envers...
Mais méfie toi toujours
Que ces mains de velours
Ne t’étreignent et t’enlèvent
Car l’homme a un vieux rêve :
Il veut te posséder
Toi et ta liberté...
Oiseau, leurre l’oiseleur !
Mais dès que nous posons
Sur toi nos sales pattes
Nous souillons ta candeur
Des terribles stigmates
De notre pesanteur
De notre condition
D’esclave contagieux...
Et le roi des nuées
Symbole de liberté
Dans sa geôle d’acier
Ses ailes atrophiées
Dès lors ne semble plus
Qu’un monstre saugrenu
Si comparable aux hommes...
Vole en paix loin de nous
Volatile impeccable
Souverain admirable
Archange au chant si doux
Cher à l’âme des fous
Vole en paix loin de nous
Loin de nous, loin de nous...
Christophe Gonnet