Un mort sur son lit de mort
Et le croque-mort juste devant
Devant les pieds devant du mort
Deux gros pieds des plus alléchants
Qu’il guette en coin. Il est midi
et il a faim, alors soudain
Il en prend un, et il le mord
Machinalement, à pleines dents
Crunch !
Mais le mort est encore vivant
Le voilà qui hurle à la mort
Un cri strident : AÏÏÏÏÏÏÏE !!!!
Et le croque-mort tout repentant
Et tout tremblant de voir un mort vivant
S’écrie : Pardon, je vous tenais pour mort !
"Et moi donc ?, lui répond le mort
Du moins, je le croyais avant,
J’n’en suis plus si sûr à présent
En voilà de drôles de façons
De traiter le sommeil des morts !"
Le mort a son pied dans ses mains
Il se tient droit sur son séant
Il contemple son gros orteil
Et lorgne la marque des dents
Il est réveillé à présent
Et il attend...
Mais le croque-mort est impatient
Il pense à ses autres clients
A son patron, à son rendement
A tous ces pieds devant à mordre
Des quantité de pieds en stock
Pieds creux, pieds plats
Pieds bots, pieds fermes
Pieds en gelée, pieds en canard
Tout ça à mordre avant ce soir
Il en a une indigestion
Un vrai cauchemar...
Alors il prend le mors aux dents
Et crie "ça suffit à présent !
Mourez, ou bien allez vous en !
Vous nous faites perdre notre temps
Et le temps, pour les vivants
C’est de l’argent !"
Alors le défunt marmonnant
Baille et s’étend
Il entend au loin le croque-mort
Lui débiter ses beuglements
"Au turbin vite! Debout fainéant!"
Ça lui rappelle le temps d’avant
Du temps où il était vivant
Qu’il était coursier à plein temps
Et qu’il courait pour des clients
Très exigeants
Alors du temps, comme de l’argent
Il en manquait plus que souvent
Tellement qu’il est mort en courant
En coup de vent, une étincelle
Déformation professionnelle
Alors maintenant, Le temps, le temps...
Ah si seul’ment c’était à r’faire!
Balbutie-t-il en soupirant
Mais il se voit faire marche arrière
Tout à défaire et à refaire
Ah non, ah non ! pense-t-il tout bas
C’est bien assez, plus jamais ça !
Mais à l’instant, v’là qu’il ressent
Comme une douleur à son pied droit
C’est le croque-mort qui remet ça
CRUNCH !
Au turbin vite ! Debout fainéant !
Mais cette fois, il ne bouge pas
Il ne crie pas, il serre les dents
Il geint intérieurement
Et se sent mourir lentement
Au turbin vite ! Debout fainéant !
Ces mots le bercent doucement
Alors le croque-mort impatient
Sur le registre des décès
Note le nom du regretté
Et tout le monde est soulagé
Qu’il dorme en paix
Et au suivant !
Christophe Gonnet