Voici le monde comme il va
Un homme avançait devant moi
Un rat lové sur son épaule
C'était sur la droite je crois
Un autre promenait son chat
Au premier feu du carrefour
Le sang du chat ne fit qu'un tour
Ni un, ni deux, mangea le rat
Les 2 hommes en vinrent aux bras
Je l'ai vu comme je vous vois
Dans un langoureux corps à corps
Peut-être qu'ils s'étreignent encore...
Un autre jour, un homme était
Devant l'égout, sur la chaussée
Le pauvre avait perdu sa clé
Et le trottoir voulait casser
À coup de pierre il martelait
Sans crainte des hostilités...
Dans l'arrière cour sous une treille
Le buraliste tendait l'oreille
Il avait en main deux bouteilles
Sa femme avait le teint vermeil
On avait bu et bien mangé
Leurs fils, deux grands loups, éructaient
Le match avait chauffé les sangs
Fait exprès, c'était la mi-temps
Le buraliste et ses enfants
Comme en meute allaient de l'avant
Tous un cigare entre les dents
Lui, toussotant et crachotant
Avait-il été jeune un jour ?
N'avait-il pas connu l'amour ?
Ils virent ce diable sur le trottoir
Qui leur tendait des yeux bien noirs
Pardi c'en étaient des manières !
Sa tête leur était étrangère
- Mais cesse donc !
Qu'est-ce que tu fais ?
Tu vas répondre ?!!
Ils rugissaient
Le buraliste titubait
- Retenez-moi, je vais le tuer !!!
Sa femme eut un éclat de voix :
- C'est de la sale race, ça !
Et comme il ne s'arrêtait pas
À leur sommations régulières
Ni leurs "holà !" ni leurs prières
Tout se passa en un éclair
L'homme eut un rictus en sourdine
On le jeta dans la vitrine
L'épicier qui travaillait là
Prit ses enfants entre ses bras
- C'est ainsi que le monde va...
Leur murmura-t-il à mi voix...
Et l'ambulance il appela
Et la meute se retira...
Le pauvre avait un air navré
Du sang de sa tête coulait
Puis la police et les pompiers...
- Monsieur, avez-vous vos papiers?
Du fer dans sa main reluisait
Il avait retrouvé sa clé...
Voici le monde comme il va
Je l'ai vu comme je vous vois...
Christophe Gonnet